Depuis plus de 15 ans, « Les Green Ginger » enregistrent les voix et les transforment en bandes sonores pour des animations avec des ombres, des acteurs et plus particulièrement des marionnettes.
Nous travaillons avec des jeunes, des personnes âgées, des immigrés et des personnes en difficulté pour leur permettre d’exprimer leur imagination et leur humanité.
Ce n’est pas toujours évident de filmer quelqu’un en train de parler, des communautés déjà marginalisées n’ont pas toujours envie d’être identifiées.
Un micro est moins envahissant qu’une caméra, on l’oublie plus facilement et les gens aiment parler d’eux-même.
Les marionnettes sont tactiles et séduisantes, elles parlent de l’enfant resté en eux et les invitent à jouer le jeu. Elles peuvent être neutres mais spécifiques, elles repésentent chacun de nous.
LA FÊTE DES PÈRES EN PRISON
Une prison de haute sécurité nous a invité à réaliser un petit film de marionnettes avec des prisonniers qui ont des enfants, sur le thème de la fête des pères.
La première semaine d’ateliers a été dédiée à la production de la bande son pour le film et à l’introduction des marionnettes que les prisonniers allaient utiliser.
Chaque objet emmené dans la prison a dû être détaillé à l’avance et une liste exhaustive a été soumise à la Direction pour approbation des autorités.
Pas de clé, pas de téléphone, pas d’outil tranchant, pas de plasticine, pas d’argent.
A l’entrée principale, nous laissons notre passeport et passons la sécurité comme dans un aéroport. Tout est contrôlé et vérifié jusqu’aux cartes mémoire de la caméra.
Nous ne pouvons pas filmer les participants, ni même connaître leur nom. Les 6 détenus ont donc choisi un pseudonyme qu’ils ont gardé jusqu’à la fin.
Nous avons amené une boîte de marionnettes de taille humaine qu’ils pouvaient tester chaque jour pour, en fin de semaine, en choisir une qui les représente.
Nous avons fait des jeux, souvent avec une composante sonore. La seule règle établie était que chacun dise au micro quelque chose de différent des autres.
Le projet a débuté durant une vague de chaleur et le début du Ramadan, ce qui a pu susciter une certaine sensibilité, même à la vue d’une bouteille d’eau.
Enfermés dans une salle sans fenêtre avec un combiné de sécurité et un bouton rouge d’appel au secours, nous avons essayé de changer d’activité toutes les 20 minutes. Nous ne nous sommes sentis menacés à aucun moment. Au contraire nous avons bien rigolé pour préparer un cadeau à leur(s) enfant(s).
L’un d’eux jouait de la guitare, un autre faisait de la beatbox avec la bouche. Nous avons pu ainsi avoir de la musique originale pour le film.
Très vite nous leur avons posé des questions sur leur enfance, leurs héros et leurs conseils pour la génération à venir. Nous avons essayé de développer, en parallèle, une histoire. Les participants ont choisi de commencer celle-ci avec un enfant qui est puni et qui doit aller au lit.
Chaque soir, nous téléchargions le son avec toutes les remarques enregistrées pour les nettoyer, les évaluer et les classer ensuite dans des dossiers spécifiques.
Dès le 3ème jour, nous avons apporté un baffle et des exemples de montage son.
Ils ont pu, dès lors, commencer à mimer avec des têtes de marionnettes, leurs propres mots.
Tous ensemble, nous avons produit des bruitages de jungle ou de monstres. Plus la confiance s’installait entre nous, plus les questions posées pouvaient devenir fantaisistes: quel est le meilleur endroit pour se cacher?
Il y a eu une semaine de pause pour éditer les centaines de pistes sonores en un scénario cohérent.Ce montage a été soumis aux autorités pour censurer au besoin des propos inappropriés. Toute la bande son a été envoyée à la Direction et a été approuvée.
Tournage
Nous avons négocié l’usage de la bibliothèque comme décor et le reste a été filmé devant un écran vert qui, une fois installé, a pu rester en place pour toute la semaine de tournage.
Le premier jour des prises de vue, nous avons traversé la prison avec des boîtes de marionnettes, costumes, lumières et cables. Pour représenter l’enfant, nous avons construit une marionnette à fils qui requiert 4 personnes pour l’actionner.
Avec l’écran vert, nos marionnettes pouvaient être placées dans n’importe quel environnement.
Notre histoire commence dans la bibliothèque avec 6 marionnettes en action. Les tables ont été surélevées sur des tabourets pour aider l’équipe à se cacher au mieux de la caméra. C’est un plan très difficile car chacun doit être actif tout en étant aveugle.
Certains ont plus de compétences que d’autres, nous plaçons les personnes stratégiquement selon leur aptitude.
Nous avions 4 jours de 3h pour accomplir notre mission. Pour résoudre certains problèmes avec l’enfant marionnette, nous avons apporté une combinaison verte qu’un détenu a remarquablement enfilé pour manipuler de manière invisible.
Le tournage s’est terminé avec assez de temps pour filmer aussi le générique du film.
Ensuite, 2 semaines ont été consacrées au montage et à la gravure de DVD pour les familles avant notre rendez-vous au parloir.
Pour la projection le jour de la fête des pères, nous avons apporté tout le matériel et les têtes des marionnettes pour que les participants les montrent à leurs enfants.
Chaque famille a reçu son DVD. Les enfants ont demandé une seconde projection et notre rencontre intense et pleine d’émotions touchait à sa fin.
Il y a une certaine intimité dans ce genre de travail, une proximité physique dans un espace restreint ; un travail d’équipe avec des tâches stressantes et des positions inconfortables.
Tous les participants sont restés jusqu’au bout du projet.